Retour

La caution : l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement

14 mai 2020   |   3 min de lecture

DROIT DES OBLIGATIONS. Le nouvel engagement litigieux et le montant de son propre engagement doivent être pris en compte dans l’étude de la proportionnalité du cautionnement souscrit par une personne physique en faveur d’un créancier professionnel.

Photo : DR.

L’exigence de proportionnalité du cautionnement souscrit par une personne physique en faveur d’un créancier professionnel n’est plus à démontrer. Elle fait l’objet d’un abondant contentieux que la décision rapportée, procédant au rappel de plusieurs éléments nécessaires à son appréciation, contribue encore à alimenter. La publicité de cet arrêt témoigne donc de la réaffirmation nécessaire des principes de solution énoncés par la Cour de cassation.

En l’espèce, une personne physique s’est portée caution solidaire en garantie de deux prêts souscrits par une société. La société débitrice principale ayant fait l’objet d’une procédure collective, la banque a assigné la caution en paiement, laquelle, pour y échapper, lui a opposé la disproportion manifeste de ses engagements. La Cour d’appel, jugeant les engagements équilibrés, a condamné ainsi la caution à les exécuter. Devant la Cour de cassation, la caution a alors invoqué la double erreur d’appréciation qu’auraient commise les juges du fond, à savoir :

  • D’avoir apprécié la proportionnalité des deux engagements litigieux sans toutefois en avoir tenu compte et se bornant à prendre en considération ses seuls cautionnements antérieurs.
  • D’avoir procédé au même examen au regard de la seule somme des charges mensuelles afférentes aux échéances des prêts garantis en cas de défaillance des débiteurs principaux, et non à celui de son propre engagement de caution.

La Cour de cassation accueille les moyens avancés par la caution, et pour justifier la cassation prononcée, rappelle la règle d’appréciation, établie, selon laquelle la disproportion d’un cautionnement suppose de prendre en considération l’engagement litigieux. Elle confirme également que la disproportion s’apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, non à l’obligation garantie, mais au montant de son propre engagement. Sur le premier attendu : la cassation était de toute façon inévitable, car les juges du fond auraient dû prendre en compte non seulement les cautionnements antérieurs de la caution, mais également, le cautionnement litigieux. En effet, ce dernier s’inscrit au passif de la caution de sorte que le juge était dans l’obligation d’en tenir compte dès la souscription. Et ce afin de déterminer l’exacte étendue du passif patrimonial de la caution. Cette solution a été retenue à de maintes reprises par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Com. 29 sept. 2015, n° 13-24.568; Com. 21 nov. 2018, n° 16-25.128, Com. 3 nov. 2015, nos 14-26.051 et 15-21.769). Sur le second attendu : la Cour de cassation remet en cause la méthode d’appréciation de la disproportion effectuée par la juridiction d’appel, qui avait omis, à tort, de l’observer au regard du propre engagement de la caution. En effet, pour juger les engagements litigieux comme équilibrés, la Cour d’appel avait considéré que la somme des charges mensuelles correspondant aux échéances des prêts garantis n’était pas manifestement disproportionnée aux biens et revenus de la caution pour permettre d’estimer s’ils lui auraient permis d’assumer cette charge financière, en cas de défaillance des différents débiteurs principaux. La méthode appliquée par la Cour d’appel, là encore erronée, justifie la censure de l’arrêt dès lors « que la disproportion manifeste du cautionnement s’apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l’obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c’est-à-dire, en l’espèce, aux mensualités des prêts, mais au montant de son propre engagement ». La Cour de cassation rappelle que le contrôle de proportionnalité ne peut être effectué qu’en considération du propre engagement de la caution, à la condition qu’il soit justement estimé à la mesure de son endettement général mais sans égard aux modalités de paiement de l’obligation garantie, (correspondant, en l’espèce, à l’échelonnement des mensualités générées par les différentes obligations principales garanties).