Depuis 5 ans et la loi ALUR, la législation n’a guère avancé sur la question de la propriété des PPUC dans les résidences.

Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler l’importance de la propriété des « parties privatives à usage commun » dites PPUC dans des rapports de force qui peuvent s’instaurer entre la société exploitante et les bailleurs copropriétaires (voir notre article « Propriété des PPUC : ce sera moi ou personne d’autre ! » ici).
Bien que les PPUC caractérisent tous les types de résidences-service (EHPAD, résidences de tourisme, résidences étudiantes…), de manière très étonnante, le législateur a choisi d’en fournir un embryon de discipline exclusivement pour les résidences de tourisme.
C’est ainsi qu’en 2014, la loi ALUR a :
– introduit le principe d’appartenance au syndicat du copropriétaires des PPUC des résidences de tourisme construites à partir du 1er juillet 2014.
– prévu un mécanisme de « revendication » des PPUC par le syndicat des copropriétaires pour les résidences construites avant cette date en cas d’abandon de ces PPUC.
Depuis 2014, l’importance de la détention des PPUC est donc « officiellement » reconnue par le législateur.
« Pourtant, en 5 ans, les avancées du législateur, par rapport à cet embryon de discipline de 2014, sont inexistantes. »
Cette prise de conscience aurait pu être le point de départ d’une véritable réflexion juridique systémique et principe d’appartenance des PPUC au syndicat des copropriétaires aurait dû être rapidement étendu aux autres résidences services, en rendant le mécanisme de revendication plus accessible.
Pourtant, en 5 ans, les avancées du législateur, par rapport à cet embryon de discipline de 2014, sont inexistantes et la jurisprudence, seule à se pencher encore sur la question des PPUC sous ces deux aspects, reste plus que timide.
La question de la propriété des PPUC dans les autres résidences de service, et notamment dans les EHPAD, est évoquée dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 avril 2018 rendu au sujet de la responsabilité du notaire pour défaut d’information et de conseil aux copropriétaires-bailleurs.
Les propriétaires-bailleurs de l’EHPAD, reprochaient alors au notaire de ne pas les avoir informés de la qualification des locaux de service, selon le règlement de copropriété, de parties communes privatives. Lesquelles étaient détenues par une société tierce (de surcroît offshore et ensuite radiée).
Bien que le contexte de l’arrêt soit très particulier, la Cour d’appel de Paris indique clairement qu’une « maison de retraite est juridiquement considérée comme « monovalent », cette affectation rendait indispensable que, dans un EHPAD soumis au régime de la copropriété, les locaux de service appartiennent soit au syndicat des copropriétaires soit à l’exploitant mais en aucun cas à un tiers, ce afin de garantir la pérennité de l’activité et de l’investissement ».
Celle-ci et les autres anomalies décelées par la Cour, « qui auraient dû être décelées par le notaire et dénoncées aux acquéreurs dans le cadre de son devoir de mise en garde, avaient pour effet inéluctable de paralyser le fonctionnement de la copropriété en cas de défaillance de l’exploitant puisque les locaux de service, ayant le statut de lot privatif, échappaient au contrôle de la copropriété qui ne pouvait les gérer librement ; cette configuration a fait obstacle au renouvellement de la convention tripartite (..), les baux n’ont pu être renouvelés qu’avec une diminution de loyer, le repreneur de l’exploitation imputant cette baisse de loyers au fait que les espaces communs n’étaient pas détenus par la copropriété mais par une société tierce (…) »
« Le notaire se doit de vérifier, lors de la vente de lots d’un EHPAD, à qui appartiennent les PPUC ; il doit alerter les investisseurs dès lors que celles-ci ne sont ni du syndicat des copropriétaires ni de l’exploitant. »
De fait, la Cour d’appel conclut ainsi au manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde du notaire.
Deux points sont particulièrement à retenir dans cet arrêt :
– Le notaire se doit de vérifier, lors de la vente de lots d’un EHPAD, à qui appartiennent les PPUC ; il doit alerter les investisseurs dès lors que celles-ci ne sont ni du syndicat des copropriétaires ni de l’exploitant et il doit les éclairer sur les conséquences de la détention de ces parties par une entité tierce.
– La Cour reconnait le lien entre la propriété des PPUC et la pérennité de l’activité d’un EHPAD et de l’investissement, étendant donc la réflexion du législateur de 2014 à une nouvelle catégorie de résidence service.
Toutefois, en indiquant que les PPUC doivent appartenir soit à l’exploitant soit au syndicat des copropriétaires, la cour ne va pas au bout de son raisonnement.
Si la propriété des PPUC par le syndicat des copropriétaires ou l’exploitant garantit la pérennité de l’activité, seule la détention des PPUC par le syndicat des copropriétaires, garantit la pérennité de l’investissement.
De toute évidence, la Cour de Paris pourrait être plus claire sur la question
Néanmoins, il s’agit d’une première ouverture qui laisse un espoir pour le futur.
En 5 ans, le mécanisme de « revendication » des PPUC d’une résidence de tourisme par le syndicat des copropriétaires, en cas de carence du propriétaire, a été globalement peu utilisé, ses conditions étant assez compliquées à remplir.
En effet, pour que les PPUC puissent devenir la propriété indivise du syndicat, encore faut-il que l’Assemblée Générale des copropriétaires ait obtenu une décision du Tribunal de Grande Instance, saisi à son initiative, qui constate la défaillance avérée du propriétaire du lot et l’abandon.
Or, un constat d’abandon semble difficile à obtenir tant que l’exploitant est en place, ce dernier occupant les locaux aux fins de l’exploitation et ayant la charge, en vertu des baux commerciaux conclus avec les bailleurs-copropriétaires, d’en assurer l’entretien.
De plus, si l’exploitant est le propriétaire des PPUC, un constat d’abandon des PPUC reviendrait à un constat d’abandon de la résidence. La revendication par les copropriétaires des PPUC abandonnées est alors, en pratique, limitée aux hypothèses où l’exploitant a déjà abandonné la résidence.
« Les investisseurs sont donc prévenus : l’indemnité proposée au propriétaire des PPUC est un élément essentiel de leur demande en « revendication » des PPUC. »
C’est dans le cadre d’une procédure en « revendication » déjà fortement encadrée, que la Cour de Cassation est venue préciser, par un arrêt du 9 mai 2019, que pour que la demande en constat de l’abandon et attribution au syndicat de la propriété des lots litigieux soit accueillie, le syndicat doit proposer le paiement d’une indemnité ou former une demande visant à en voir fixer le montant. À défaut, la demande du syndicat sera rejetée.
La précision apportée par la cour de cassation quant aux modalités relatives à l’indemnité à payer à l’ancien propriétaire a l’avantage de clarifier la procédure et correspond à une volonté de diriger les copropriétaires vers l’utilisation de celle-ci et, indirectement, à en favoriser le recours.
En effet, dans ce même arrêt, la Cour de cassation rejette la demande en requalification des parties privatives à usage commun en parties communes, en faisant primer la qualification retenue par le règlement de copropriété sur le critère de l’utilisation et de leur utilité (pourtant, de toute évidence, dans le sens d’un caractère commun de ces lots).
Cette voie est donc la seule qui s’offre aux copropriétaires d’une résidence de tourisme pour récupérer les PPUC détenues par un une entité différente du syndicat des copropriétaires.
Les investisseurs sont donc prévenus : l’indemnité proposée au propriétaire des PPUC est un élément essentiel de leur demande en « revendication » des PPUC.