Les investisseurs doivent impérativement être informés des liens capitalistiques éventuels entre marchands de biens, commercialisateurs et banques.

Afin d’éviter toute une série d’écueils, il est impératif que l’investisseur soit valablement conseillé par ceux qui vont lui vendre le produit immobilier à vocation de défiscalisation.
Cela relève, au titre de l’obligation de conseil et d’information, de la responsabilité des commercialisateurs, des conseillers en gestion de patrimoine (CGP), et des banques (dans une mesure variable selon les cas).
A l’aune d’une jurisprudence constante, on sait que ces derniers, dans le cadre de la commercialisation du programme, ne peuvent pas se limiter à une approche purement commerciale.
S’ils peuvent naturellement mettre en avant les avantages de l’investissement qu’ils cherchent à vendre, ils doivent, toutefois, avec le même sérieux, exposer à l’investisseur, de surcroît s’il est profane, les risques inhérents à celui-ci.
C’est à proprement parler le sens de l’obligation de conseil et d’information qui pèse sur les commercialisateurs, banques et autres CGP, CIF… Ils doivent exposer « objectivement » les avantages d’un investissement ainsi que les risques qui y sont liés (étant précisé qu’il n’existe pas d’investissements qui en soient dépourvus).
Cette « objectivité » se traduit par la nécessité que le débiteur de l’obligation de conseil et d’information l’exécute loyalement, honnêtement et en indépendance.
Ce dernier point est fondamental car, sans indépendance, il ne peut y avoir de conseils désintéressés, il ne peut y avoir de conseils dont on ne puisse douter.
C’est ainsi que le débiteur de l’obligation ne doit pas se trouver dans une situation « d’empêchement » (pour reprendre un terme plus politique que juridique), c’est-à-dire dans l’incapacité de valablement conseiller son client, étant donné l’existence d’intérêts qui lui sont propres, susceptibles d’influencer la manière dont il exerce ses fonctions.
On touche ici, au cœur de notre sujet, à savoir le conflit d’intérêts dans lequel se trouve parfois (souvent ?), les débiteurs des obligations de conseil et d’information, qui aboutit à une impossibilité de conseiller objectivement leurs clients dans le cadre d’un investissement immobilier à vocation de défiscalisation.
Il suffit d’examiner la structuration sociétaire de grands acteurs de la défiscalisation pour se rendre compte pratiquement de cette difficulté.
Prenons l’exemple (il y a en a beaucoup d’autres comme la Société Générale/Primaxia notamment…), de la société I Invest qui se revendique comme une filiale de la société I Selection, toutes deux étant filiales de la Caisse d’Épargne (nous ne trahissons pas de secret, cette information est publique).
Chacune des sociétés a un rôle différent dans le cadre de l’opération d’investissement immobilier à finalité de défiscalisation.
I Invest est marchand de biens, c’est donc elle qui est le vendeur du bien immobilier.
I Selection est le commercialisateur, c’est elle qui va vendre le produit immobilier défiscalisant.
La Caisse d’Épargne, quant à elle, prêtera les fonds à l’investisseur nécessaires à l’acquisition du lot.
Ces sociétés appartenant au même groupe, il est incontestable qu’elles ont toutes intérêt à se recommander entre elles auprès du client investisseur (c’est d’ailleurs le sens de cette trilogie sociétaire, l’opération est couverte dans une très grande partie par le même groupe de sociétés, ce qui augmente au niveau du groupe les bénéfices résultant de l’opération).
Un conseil potentiellement malicieux ou mauvais ?
Sauf que lorsqu’ I Selection recommande à un client d’investir dans un produit vendu par I Invest, ainsi que de faire financer cet investissement par la Caisse d’Épargne, elle n’est pas, à notre sens, dans une situation d’indépendance.
I Selection a effectivement des intérêts qui lui sont propres (faire travailler les sociétés du groupe auquel elle appartient) qui sont a priori de nature à l’empêcher de conseiller en neutralité et en impartialité son client, comme la loi et la jurisprudence l’y oblige pourtant.
Bien sûr, cela ne signifie pas que, par définition, le conseil délivré sera nécessairement et automatiquement malicieux ou mauvais.
Cela signifie, qu’a minima, le client doit être informé de ces liens capitalistiques, car ils sont de nature à le faire douter, ou fortement relativiser les informations et conseils qui lui sont dispensés, ce qui est loin d’être toujours le cas…
C’est d’ailleurs le sens des dispositions du Code de déontologie des CGP et des CIF.
L’Autorité des marchés financiers (AMF) a pu elle aussi se prononcer en ce sens.
Pour conclure, nous ne pouvons que conseiller aux investisseurs tentés de souscrire à un programme immobilier à vocation de défiscalisation, d’interroger expressément les porteurs de projets, en particulier les banques, commercialisateurs et CGP sur les liens capitalistiques qui sont susceptibles d’exister entre eux.
Si ceux-ci sont liés, l’investisseur doit alors appréhender les conseils formulés à l’aune de cette situation de non indépendance.